Il y a bien longtemps, un aigle royal de couleur sombre fondit sur le dos d’un étalon sauvage d’un blanc immaculé et y enfonça ses serres. Le fier mustang se cabra et sa crinière fouetta l’aigle mais ce dernier ne lâcha pas prise. L’étalon se mit alors à galoper à travers la plaine l’esprit de l’aigle, puissant et invisible, accroché à son dos. Il ruait, se dressait, bondissait, secouait la tête, hennissait de colère sans arriver à se débarrasser de son encombrant cavalier.
Les ailes déployées, l’oiseau de proie plana quelques instants avant de revenir se poser sur un rocher.
De longues plumes fines et immaculées jaillissaient de cette blessure et en peu de temps elles devinrent de majestueuses ailes blanches sur le dos de l’étalon.
Ce dernier n’arrivait pas à y croire. Il balançait la tête de droite à gauche pour regarder ce magnifique manteau de plumes blanches qui désormais recouvrait son dos et ses flancs.
« Tes plumes sont trop sombres. Tu es trop visible pour tes proies. Je vais les recouvrir de ma crinière, elles auront la couleur de la neige des cimes sur lesquelles tu deviendras invisible. Et quand tu planeras dans le ciel, elles réfléchiront la lumière du soleil, ce qui va aveugler tes adversaires. »
L’étalon pris son envol et le suivit. Les deux déployèrent leurs ailes, s’élevèrent dans le ciel et bientôt, ils disparurent dans la lumière du soleil. On ne les revit plus.
Au
bout d’un moment, il perdit son souffle et fut obligé de
s’arrêter. Il sentait les serres de l’aigle enfoncées dans sa
chair, mais il ne le voyait pas. Il balançait sa longue queue
blanche et soufflait de colère. Ses naseaux frémissaient, ses yeux
lançaient des éclairs et ses oreilles dressées ressemblaient à
des pointes de flèches.
-«
Que fais-tu sur mon dos ? Ta place est dans le ciel » dit-il à
l’aigle. Si je pouvais voler comme toi je ne quitterais jamais les
airs, sauf peut-être pour me poser sur les cimes des montagnes.
-
Voler, tu le pourrais, si je le veux. Répondit l’aigle
-
Moi ? Voler ? Comment cela serait-il possible ?
-
Je suis le fils ainé de Wakan-Tanka,
le Grand Esprit. Mon père ne me refuse rien et il a le pouvoir de te
faire voler si tu t’engages à le servir.
-
Que dois-je faire ? demanda le fier mustang.
-
Si tu acceptes de m’aider à conduire vers lui l’âme des
guerriers morts au combat et celle des sages dont les mots éclairent
leur peuple, il t’accordera le pouvoir de voler.
-
J’accepte dit l’étalon.
L’aigle
pris alors son envol. Il lança un cri qui se répercuta sous la
voute céleste. Un cri semblable au sien, venu d’on ne sait où,
lui répondit.
Sur
les flancs de l’etalon on pouvait voir quelques fines trainées du
sang qui s’écoulait de l’endroit ou l’aigle avait planté ses
serres.
«
J’aimerais te remercier de l’immense faveur que me fait ton père
» dit-il à l’aigle.
«
Si tu veux. » dit l’aigle dubitatif.
«
L’étalon se cabra et sa blancheur immaculée sembla produire une
sorte de halo qui s’éleva vers le ciel et recouvrit l’aigle dont
les plumes prirent la couleur de la neige. »
L’aigle
s’élança dans les airs et cria au cheval sauvage : « Viens dans
mon royaume !»
Depuis,
quand la nuit est claire on peut deviner leur vol à travers la
trainée blanche qu’ils laissent entre les étoiles.
Les
visages pâles parlent de voie lactée mais les amérindiens savent
bien que ce sont les ailes de White-Eagle et celle de White-Stallion
que chevauchent l’esprit des guerriers pour aller à la rencontre
de Wakan Tanka, le Grand Esprit.
No comments:
Post a Comment